Faire des projets est-il suffisant ?
#24 Ou quand “cocher la case projet” ne suffit pas à sortir du lot
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En ce moment, je bosse sur un accompagnement pour les Data Analysts. L’objectif : vous aider à monter en compétences et à trouver un job qui vous fait vraiment kiffer.
Pour le construire, je mène des entretiens exploratoires avec les membres de cette communauté (merci Sébastien, Guillaume, Arsène, Jean-François, Nathalie, Déborah et Nicolas 🙏).
Je veux comprendre ce qui coince aujourd’hui, ce qui vous bloque, ce qui vous manque vraiment.
Et il y a une remarque qui revient souvent :
“Faire des projets ne sert à rien, les recruteurs ne les regardent pas.”
Sauf que… les recruteurs dans la data disent l’inverse:
Oui, ils regardent les projets.
Oui, c’est encore un vrai levier pour faire la différence.
Oui, ça sert à filtrer les profils motivés, à mesurer le niveau d’autonomie, à voir ce que vous savez résoudre comme problème.
Se faire recruter aujourd’hui, cela dépend de plusieurs facteurs.
Mais en regardant les projets que les Data Analysts partagent sur les CVs, j’y vois plusieurs problèmes communs.
Problème 1: Le projet ne parle pas aux entreprises
Quand une entreprise recrute, elle cherche un profil qui comprend ses enjeux. Et ça commence par le secteur d’activité.
Une banque va préférer un analyste qui connaît le secteur bancaire.
Une boîte retail voudra quelqu’un qui a bossé sur des problématiques e-commerce.
Une maison de luxe sera plus séduite par un projet Sephora que par un dashboard Vélib’.
Et c’est normal.
Quand vous montrez un projet hors sujet, le recruteur ne se projette pas.
Un cas classique que je vois souvent, c’est le projet Titanic. Il coche toutes les cases d’un exercice bien fait : nettoyage des données, modélisation, évaluation du modèle.
(Même si les Data Analysts n'ont pas besoin de faire du Machine Learning en entreprise, cela continue d’être inclus dans les formations. J’en ai parlé dans ce post LinkedIn, qui a trouvé un vrai écho auprès de mon audience.)
Vous pouvez très bien créer une belle visualisation et un notebook bien commenté. Mais le problème, c’est que personne dans une entreprise n’a besoin de prédire qui aurait survécu à un naufrage en 1912.
Ce projet ne raconte rien de pertinent pour un recruteur ou un manager. Ce n’est pas un sujet métier. Il ne déclenche aucune projection business.
L’enjeu donc, ce n’est pas juste de “faire un projet”. C’est de choisir le bon projet pour la bonne entreprise.
Un projet bien ciblé ressemblerait à ceci:
Vous postulez pour devenir Data Analyst dans un boîte d’e-commerce.
Vous faire une analyse des leviers d’abandon de panier. Vous définissez la problématique métier à résoudre, comme si vous étiez analyste dans la boîte.
→ “Pourquoi les utilisateurs abandonnent leur panier avant l’achat ?”
Vous analysez des données comportementales, proposez des visualisations , puis formulez 3 recommandations actionnables pour améliorer le taux de conversion.
Quand un recruteur lit votre projet, il pourrait se dire :
“Ok, cette personne comprend les enjeux de conversion.”
“Elle sait structurer une analyse métier.”
“Je pourrais la projeter dans mon équipe.”
À retenir :
Un projet ne se contente pas de montrer des compétences techniques. Il doit surtout répondre à une question business. C’est ça qui fera tilt dans la tête du recruteur.

Problème 2: Le projet n’est pas bien présenté
Il y a une grosse différence entre "faire un projet" et "présenter un projet qui donne envie d’en parler".
Quand je parcours certains portfolios, je vois souvent des projets intéressants… mais qui ne donnent pas envie de creuser.
Pourquoi ? Parce qu’ils sont mal racontés.
Le premier souci, est qu’on ne comprend pas pourquoi ce projet existe. Aucune motivation n’est exprimée. On ne sait pas ce qui a donné envie de s’y plonger, ni ce que le candidat cherchait à comprendre. Résultat : ça donne un projet froid, impersonnel, qu’on oublie aussitôt.
Deuxième souci : le manque de structure.
Certains projets sautent directement dans l’analyse sans expliquer le problème métier. On ne voit ni les actions concrètes menées, ni les résultats obtenus. Or un recruteur veut voir votre logique :
Quel problème vous avez identifié
Comment vous l’avez abordé
Et surtout, ce que vous avez trouvé (et ce que l’entreprise pourrait en tirer)
Troisième erreur fréquente : le titre générique.
“Analyse des ventes d’un supermarché.” Ça ne donne pas envie de creuser.
Alors qu’avec un titre orienté résultats comme “Détection des produits sous-performants et recommandations commerciales”, on sent tout de suite une posture analytique et business.
Enfin, il y a l’aspect visuel.
Dans le métier, la capacité à construire un dashboard lisible ou à présenter des données de manière impactante est clé. Mais beaucoup de projets ne montrent rien de ce travail final : pas de dashboard, pas de slides, juste un notebook GitHub ou un script.
Et ça donne l’impression que tu n’es pas capable de communiquer tes résultats, ce qui est pourtant essentiel pour un Data Analyst.
Mes recommandations:
Faire des projets une rubrique à part dans votre CV, à faire pour les juniors.
Toujours présenter le contexte et la motivation qui vous a poussé à vous lancer dans ce projet.
Expliquer clairement le problème et votre démarche. Framework STAR est à utiliser.
Travailler votre titre et donner envie d’en parler à vos recruteurs.
Travailler votre visuel. Le top : un lien vers une démo visuelle, puis vers votre GitHub. (Et pas l’inverse. GitHub tout seul = coulisses techniques. Ce n’est pas ce qui attire d’abord un recruteur.)
Bonus : si vous voulez aller plus loin ? Faites une vidéo ou un article Medium où vous présentez votre projet et démontrer votre capacité de vulgarisation, la compétence premium d’un Data Analyst.
À retenir :
Un bon projet, ce n’est pas juste un exercice technique.
C’est une démonstration de votre esprit analytique, de votre curiosité, et de votre capacité à créer de la valeur avec les données.
Et pour ça, il faut raconter une histoire, mettre en avant les résultats, et donner envie d’en parler.
Problème 3: Le projet n’a pas de stratégie claire
Souvent, les projets manquent d’une stratégie d’apprentissage claire ou d’une stratégie de différenciation.
Mais qu’est-ce que ça veut dire, un projet sans stratégie d’apprentissage claire ?
Si vous vous dites :
“Je vais utiliser un dataset sur les cafés à New York pour faire des visualisations avec Tableau.”
Votre projet risque de rester en surface.
Si ce n’est pas clair dans votre tête ce que vous voulez apprendre, les compétences que vous cherchez à développer, ça se sentira. Et le recruteur, lui, ne comprendra ni le choix du dataset, ni celui de l’outil, ni ce que vous avez réellement appris en le faisant.
À la place, dites-vous plutôt :
“Je veux apprendre à modéliser des données spatiales. Je vais donc analyser les restaurants de New York en croisant leurs notes Yelp avec la densité de population par quartier. Et pour ça, je vais utiliser PostgreSQL avec l’extension PostGIS pour gérer les jointures géographiques.”
Là, c’est limpide. On comprend tout de suite votre intention d’apprentissage : vous lancez ce projet pour progresser sur une compétence bien précise (la manipulation de données spatiales). Le choix du dataset est pertinent : cafés + géolocalisation = terrain parfait pour travailler la cartographie. Le choix de l’outil est justifié : PostgreSQL + PostGIS, c’est du solide.
Au global: Ce projet montre une démarche proactive, un objectif technique clair, et un raisonnement structuré. Même pour un profil junior, ça en dit long sur votre maturité.
Et qu’en est-il des projets sans stratégie de différentiation:
Si vous vous dites: “Je vais faire un dashboard sur Power BI pour visualiser des KPI RH.”
OK, c’est propre, mais on l’a vu des dizaines de fois. Il ne se passe rien.
Maintenant, comparez avec cette approche :
“Je veux m’entraîner à construire un dashboard pour un DRH qui pilote la diversité. Je vais donc construire un tableau de bord montrant l’évolution des écarts de salaires, la parité H/F par département, et le turnover par genre et ancienneté.”
Pourquoi ce projet se démarque ? Parce qu’il montre un ciblage métier clair – ce que les recruteurs adorent. Et il traite de thématiques différenciantes : diversité, inclusion, égalité.
Bref, ce projet dit quelque chose sur vos valeurs, pas juste sur vos compétences.
Ce projet ne se fond pas dans la masse. Il parle à un métier précis, répond à un enjeu réel, et fait émerger votre personnalité. Et c’est exactement ça, la différenciation.
Conclusion
Alors, faire des projets suffit-il pour décrocher un job ?
Non. Beaucoup de débutants pensent qu’un projet publié sur GitHub est un ticket d’entrée pour le marché de l’emploi. Mais un projet qui ne répond à aucun enjeu métier, qui n’est pas bien présenté, ou qui ne montre ni stratégie d’apprentissage ni différenciation, passe tout simplement inaperçu.
Mais sans projet, pas de preuve. C’est souvent le seul moyen de montrer ce que vous savez faire avant même d’avoir votre premier job.
Alors, si votre objectif est de décrocher un poste, la vraie question n’est pas :
“Combien de projets dois-je faire ?”
La vraie question, c’est :
“Comment concevoir un projet qui montre ma compréhension du métier et me positionne face aux attentes des recruteurs ?”
Et la réponse, elle tient en trois mots :
Intention. Pertinence. Mise en valeur.
Et si je peux vous rassurer sur un point :
Moi aussi, j’ai fait des projets qui ne correspondaient pas du tout à ma cible.
Mais ils m’ont aidé à muscler mon esprit d’analyse, à mieux présenter mes résultats, à prendre la parole, à écrire, à assumer mon expertise.
Et puis, un jour, j’ai eu le bon projet : une analyse d’audience que j’ai présentée quand j’ai postulé dans une boîte média. C’est ce projet-là qui a fait tilt chez les recruteurs.
A retenir:
Vous n’avez pas besoin de créer 100 % de vos projets pour coller à vos candidatures.
Mais quand vous postulez : visez juste.
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